L'ENFANCE DE FRANCOIS COTY.

— C’est le plus beau jour de ma vie, disait François avec exaltation. Avoir enfin chez moi, avec moi, Ghjuvanni, me fratellu, mon ami de toujours, mon soutien, celui qui m’a aidé, qui m’a toujours conforté, toujours estimé. Ghjuvanni, je veux faire de votre existence un véritable enchantement, vous ne serez pas reçu comme des membres d’une famille, mais comme des souverains en visite. Je vais donner des fêtes et des festins, je vais vous conduire dans tous les établissements à la mode, je veux vous faire aimer Paris, vous faire voyager… Vous aurez des comptes ouverts dans les plus prestigieux magasins, vous pourrez y acquérir toutes sortes de vêtements, de joyaux, de voitures. Bref, je ne vais plus savoir que faire pour vous être agréable ! Mais, vous pouvez m’en croire ! Je finirai bien par trouver !

Jean-Dominique lui demandait de se calmer et affirmait qu’ils étaient habitués à une existence paisible sans trop de sorties ni de plantureux repas. Cependant, Coty ne l’écoutait pas, il allait de long en large, réajustait sa pochette, lissait d’une main leste la ligne de ses cheveux. Jean-Dominique avait devant lui l’un des hommes les plus riches du monde et il se rendait compte combien cela devait être frustrant. En fait, Coty possédait tout ce qui pouvait lui convenir, il avait pour maîtresses des actrices, les jeunes et ravissantes filles des magasins, il avait les automobiles dernier cri, il changeait de vêtement plusieurs fois par jour et souvent il ne reportait plus le même modèle. Malgré tout, Coty était un solitaire, il fuyait cette vie mondaine dans laquelle son épouse évoluait et préférait poursuivre l’ascension de sa fabuleuse entreprise en créant de nouveaux parfums et maquillages, de nouvelles filiales, et il ne voulait à aucun prix se détourner de cette politique immobilière qu’il a mise en place et qui faisait de lui le propriétaire plus puissant d’Europe. Et voilà que la présence de Ghjuvanni lui apportait une force nouvelle, un bonheur incommensurable qui le jetait à corps perdu dans le passé, il retrouvait sa misérable enfance, il retrouvait celui qui lui avait donné son amitié et qui ne l’avait jamais reprise, celui qui l’avait aidé alors que la famille Spoturno l’avait totalement rejeté. François avait retrouvé son frère, il était maintenant à même de lui prouver sa reconnaissance et chacun savait qu’il n’allait nullement s’en priver !