Saint-Germain-en-Laye : la ville la plus occupée de France a gardé ses bunkers

Soixante-quatorze ans après la libération, de nombreux blockhauss allemands sont restés en l’état.

 Saint-Germain-en-Laye. Le bunker de la ville le plus visible est celui accolé aux douves du château.
Saint-Germain-en-Laye. Le bunker de la ville le plus visible est celui accolé aux douves du château. LP/S.B.

    Pas un seul coup de feu n'a été tiré à Saint-Germain lors de la Libération, le 25 août 1944 et aucun bombardement n'est venu défigurer la ville royale. Pourtant, 74 ans après, celle-ci garde toujours des stigmates de la Seconde Guerre mondiale. Ou plutôt des vestiges.

    Il s'agit des bunkers allemands disséminés un peu partout dans ce qui fût durant l'occupation une véritable garnison à ciel ouvert. Et pour cause, c'est à Saint-Germain que le maréchal von Rundstedt, bras droit d'Hitler, décida durant l'Occupation d'installer le grand quartier général de l'Oberkommando West (Ob-West), chargé de toute la défense du front ouest de l'Europe, depuis les Norvège jusqu'à l'Italie. C'est dire l'importance stratégique de la ville à l'époque.

    Le maréchal allemand Von Rundstedt, désigné par Hitler pour commander le front ouest. DR
    Le maréchal allemand Von Rundstedt, désigné par Hitler pour commander le front ouest. DR LP/S.B.

    « Le bureau du principal est celui de Von Rundstedt »

    Denis Bamps, professeur d'histoire, s'est intéressé à la question dès sa nomination en 2003 au collège Marcel-Roby, du nom de la figure de la résistance à Saint-Germain. « Je me suis aperçu qu'il y avait des abris passifs dans l'enceinte de l'établissement et j'ai voulu savoir pourquoi, explique-t-il. J'ai alors appris qu'il s'agissait du quartier général de Von Rundstedt et qu'il habitait la villa qui est aujourd'hui le bâtiment administratif et un logement de fonction. Et pour la petite histoire, le bureau du principal est celui de Von Rundstedt. »

    Les blockhaus font parfois partie du paysage du paysage. LP/S.B.
    Les blockhaus font parfois partie du paysage du paysage. LP/S.B. LP/S.B.

    Avec une classe de 3e, l'enseignant mène alors un minutieux travail de recherche en allant à la rencontre des témoins de l'époque et en visitant certaines installations pourtant fermées au public. « L'idée était de les sensibiliser à cette page d'histoire de leur collège, précise-t-il. Et surtout de comprendre ce qu'était Saint-Germain pendant la guerre. »

    La ville « la plus occupée de France », selon l'enseignant avec un chiffre lourd de sens à l'appui : Saint-Germain comptait environ 20 000 habitants avant la guerre contre 5 000 après l'exode massif de 1940 et 18 000 soldats allemands au plus fort de l'Occupation. « C'était une ville militaire, résume Denis Bamps. Pourtant, aussi bizarrement que cela puisse paraître, elle n'a jamais été visée par les alliés. »

    Le plus visible des abris jouxte le château

    Les blockhaus sont apparus pour la plupart à partir de 1942, après le bombardement du 3 mars qui rasa en partie Le Pecq et toucha le pavillon Henri IV où Von Runstedt avait alors élu domicile. Une action de la Royal Air Force qui reste encore aujourd'hui entourée de mystère.

    Au quartier Gramont, l’abri sert de garage à vélos aux habitants. LP/S.B.
    Au quartier Gramont, l’abri sert de garage à vélos aux habitants. LP/S.B. LP/S.B.

    Le plus connu des abris, car le plus visible, est celui qui jouxte le château, délaissé par les grands officiers allemands car sans doute trop exposé et alors peu fastueux. Mais il en existe un autre caché tout près, dans la résidence voisine, au milieu d'une cour pavée, face aux conteneurs à poubelles. Preuve que les bunkers sont insérés au paysage, l'un d'eux sert par exemple de garage vélo, celui du quartier Gramont, une garnison transformée en logements.

    Un bunker trône au milieu d’une résidence, à proximité du château. LP/S.B.
    Un bunker trône au milieu d’une résidence, à proximité du château. LP/S.B. LP/S.B.

    Aux abords du collège Marcel-Roby, plusieurs autres abris passifs affleurent sous la végétation comme celui de cette résidence de la rue Alexandre-Dumas, preuve que le quartier était prisé par les officiers importants. Dans le prolongement, rue Félicien-David, on trouve également deux curiosités : une maison construite sur le bunker lui-même, et un abri avec ses meurtrières qui empiète sur le trottoir.

    Rue Félicien-David, un abri barre le passage aux piétons. LP/S.B.
    Rue Félicien-David, un abri barre le passage aux piétons. LP/S.B. LP/S.B.

    La « forteresse », une trentaine de pièces sur trois niveaux

    Mais le plus imposant reste la « forteresse » de Von Rundstedt, avec son PC de communication. Fermé au public et à l'abri des regards, ce bunker construit dans une ancienne carrière mesure près de 60 m de long et comprend une trentaine de pièces réparties sur trois niveaux. Utilisé comme réserve par le musée d'archéologie nationale, il est également proposé comme lieu de tournage par la commission du film d'Ile-de-France, organisme dépendant de la région.

    Après le départ des Allemands, qui s'est joué en à peine quelques heures dans la nuit du 24 au 25 août 1944, la vie « a vite repris son cours », selon Denis Bamps, et la majeure partie de ces abris est restée en l'état. « Une commission s'était visiblement réunie à la Libération mais il était apparemment trop compliqué de les détruire à l'explosif », conclut le prof d'histoire. Saint-Germain en conservera des témoignages de l'histoire… en béton armé.